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+## Transcription
+
+Le Service de la recherche de l'RTF présente dans la série Un certain regard Ivan Illich.
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+Curieux du monde, inquiet du monde, amoureux des hommes et des dieux, Ivan Illich naît à Vienne en 1926 sur la terre d'Europe, fragile et instable. Il lui faut être un peu partout, là où le permet son origine juive.
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+Il apprend huit langues, s'adresse aussi à Dieu et devient prêtre, évêque, puis renonce à la hiérarchie pour être toujours le voyageur en quête de justice et de vie. Comme les cristaux qu'il a aussi étudiés, sa parole est faite de paillettes anguleuses, géométriques où l'histoire, la philosophie et la science éclosent en un apparent désordre avant de prendre forme : des étoiles de pensées.
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+On peut certes croire à d'autres soleils ou révérer des astres morts et les lumières d'Illich peuvent ne paraître que de lointaines nébuleuses.
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+Un certain regard est, ce soir celui d'un astronome de l'humain.
+
+Entretien mené par Jean-Marie Domenach
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+----
+
+**Illich :**
+Et tu connais l'histoire. Elle est venue, et il y avait deux frères : Prométhée, celui qui regarde en avant, le planificateur, et son frère Épiméthée, celui qui regarde en arrière. Prométhée a dit à Épiméthée : " La touche pas ". Mais Épiméthée est tombé amoureux de Pandore et resté avec elle. L'histoire dit, a ouvert son amphore. Et Hésiode ## [0:02:01.7 inaudible] raconte que tous les maux se sont échappés et Épiméthée est resté avec l'unique don qui n'a pas pu échapper, l'espoir. Et on le rencontre presque plus dans toute la mythologie classique ; toute la mythologie classique dès lors est orientée vers l'avenir, vers l'effort de mettre de nouveau dans une boîte les maux que la Pandore classique a laissé échapper. L'homme Épiméthée se développe en essayant de détourner la Pandore, concentrer sur les maux et cherchant de créer un monde dans lequel nous avons des institutions je les appelle, des asiles pour renfermer les différents maux qui originalement étaient échappés.
+
+Je crois que l'histoire de Pandore, pour me répéter, l'histoire de Pandore est la meilleure histoire du détournement de l'homme du Delphos de la terre, de l'interprétation des songes et des images vers l'homme qui planifie. Tu sais que Delphi plus tard est devenu le centre principal de planification parce que toutes les, comment dit-on -
+
+**Domenach :**
+Les Grecs.
+
+**Illich :**
+Oui, les cités grecques ont été implantées là où les prêtres de Delphos disaient qu'ils devaient être implantés. Ils savaient un peu plus parce que tout le monde venait à Delphi raconter ses histoires alors ils pouvaient donner les bons conseils comme les planificateurs aujourd'hui les donnent parce qu'ils écoutent ce qu'on dit dans le peuple et prédisent pour l'avenir ce qu'ils voient déjà dans le présent.
+
+Sur son sexe tu trouves le serpent avec une tête de mort. C'est la femme dont la matrice a été envoyée dans ses mains et devenue une tirelire. Pour moi, c'est une des figures les plus intéressantes, Pandore, dans l'histoire de l'Occident. Je crois que tout le développement du capitalisme, de ce que j'appelle moi le capitalisme dans son sens plus large, peut s'étudier en connaissant ## [0:04:15.6 cette dame?]. Si nous ne retournons pas dans ce moment-ci vers Pandora Gea qui vit, qui vivait, et je crois encore qui vit dans sa cave à Delphos, si nous ne devenons pas capables à nouveau d'être conscients du langage des songes qu'elle peut interpréter, nous sommes condamnés ; le monde ne peut pas survivre.
+
+Regarde ce qui s'est passé dans la cave quand elle est devenue une caisse. Les prêtres mâles d'Apollon qui venaient de l'Asie Mineure substituaient Pandore dans sa cave et installaient à son endroit sur le tripode une petite fille qu'ils prenaient prisonnière, qu'ils droguaient pour lui faire dire des choses, et après ça dans des hexamètres, dans des hexamètres, prédisaient l'avenir comme aujourd'hui les ingénieurs. J'ai l'impression qu'aujourd'hui dans une nouvelle forme, une nouvelle Pythia - on dit " Pythia " en français, non?
+
+**Domenach :**
+Pythie.
+
+**Illich :**
+Une nouvelle Pythie a été établie dans la forme du computer, la calculatrice, la machine électronique qui nous parle plus en hexamètres, mais en dodécamètres avec son rythme de douze bits par figure. C'est la fin du monde. C'est la dernière ultime conclusion à laquelle on est arrivé par la substitution de la Pythia, d'un monde qui voyait Pandore comme tenant une caisse, pour la vieille mère terre que nous voyons maintenant, notre génération, les jeunes au moins de nouveau, comme l'étoile bleue qu'on regarde avec nostalgie de la lune.
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+Cette Vierge Marie dégénérée, dans sa forme dégénérée comme dispensatrice des grâces, est arrivée au Mexique avec les Espagnols, mais les Espagnols ont trouvé là une autre déesse, une terre de laquelle un autre peuple primitif avait une vision très différente, la Tonantzin, et ont identifié la Vierge Marie avec la Tonantzin comme les premiers chrétiens ont identifié la Vierge Marie avec la Gaia hellénistique, très souvent pas avec la vieille Pandore, Gea Pandora. Et la Tonantzin, c'est une déesse complètement différente. Je la vois toujours de notre balcon.
+
+**Domenach :**
+À Cuernavaca.
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+**Illich :**
+Oui, nous avons les deux grands volcans, le Popocatepetl et sa femme, la Tonantzin Iztaccihuatl entre les pieds de laquelle le soleil monte tous les jours. Mais c'est un monde qu'ici en Europe on ne comprend pas parce que le soir, c'est Tonantzin qui mange le soleil et donne naissance aux étoiles ; elle le mange le soir et c'est la raison pour laquelle l'estomac de la Tonantzin est plein d'os des vieilles étoiles mangées. Tu vois toute la problématique aussi de l'extension de la culture occidentale vers les Amériques quand on cherche d'identifier à travers le symbole, en moyennant le symbole de la Vierge Marie, la Gea hellénisée avec la Tonantzin néolithique des Aztèques. Or, il faudrait parler beaucoup sur ça.
+
+**Domenach :**
+Tu nous as parlé de ces déesses qui nous entourent et au cours de notre conversation, tu n'as pas mentionné le nom du Christ. Est-ce que c'est exprès?
+
+**Illich :**
+Tu vois, je n'aime pas parler dans une manière superficielle de mes amis. Et quand on va un pas en avant, je crois que le nom de Dieu normalement dans ce moment-ci, on l'utilise en vain pour justifier quelque chose. J'espérerais de faire savoir que je l'aime sans en parler. C'est presqu'impossible aujourd'hui de le faire sans tomber dans des ambiguïtés très méchantes, très très méchantes.
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+**Domenach :**
+C'est qu'il y a l'institution aussi et l'inversion de l'institution. Qu'est-ce que ça veut dire quand cette institution se réclame du Christ?
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+**Illich :**
+Écoute, l'institution se conçoit sur le modèle politique, sur le modèle d'une administration, d'une bureaucratie, ## [0:09:33.1 même dans une?] Bible je sais. Que j'ai mes racines en elle, dans ce sens c'est ## [0:09:40.6 la mère?]. On est fichu avec elle pour la vie, comme toi avec ta femme. Et je sais aussi de la Bible qu'elle est une putaine et je cesserais d'être Romain, Chrétien Romain de l'église que le Seigneur a fondé, si je n'aurais pas le courage de m'identifier comme fils de putaine. Mais ça, ce sont des choses, tu vois, l'aliénation est telle qu'on voit tout de suite et avec du réalisme que si je parlerais de l'Église telle qu'elle est en décadence.
+
+En France ou à Rome ou dans bien des pays en Amérique latine, je m'identifierais avec un parti, des exploiteurs peut-être, des exploiteurs de gauche plutôt que de droite. Acceptons l'ambiguïté d'être des fils d'une mère indigne, mais pas de nous. Et dans un certain sens, ça te fait aussi voir quelle devrait être peut-être notre attitude vers l'institution. En fait, dans l'Occident, l'unique grande tradition d'étude, d'analyse d'une institution qui ne se définit pas comme état est l'ecclésiologie. Et c'est en appliquant la grande pensée de l'ecclésiologie, en la sécularisant profondément qu'on peut peut-être dire plus de choses sur ces nouvelles religions qui cherchent de produire des grâces temporelles qui s'appellent l'éducation, la santé, le bien-être, qu'on arrive à une vision plus claire de ce qui doit être une inversion institutionnelle. Des institutions présentes et même l'Église cherchent de produire la grâce lorsqu'elles devraient être des tables autour desquelles je te retrouve au nom du mystère. Et je récupère le sens intime toujours personnel de l'espérance plutôt que permettre que l'espérance devienne comme on a dit avant, aliénée et donner raison à ce que, en étudiant la langue française telle qu'elle est, Camus nous donne sur ce point.
+
+**Domenach :**
+Et tu penses que l'Église fait beaucoup de choses, peut faire beaucoup de choses dans l'Amérique latine, où tu es surtout - elle est en train de faire ça.
+
+**Illich :**
+Mais oui, elle est encore une institution qui a du pouvoir. Et pour cette raison-là, elle pourrait utiliser ce pouvoir du côté par exemple de ceux qui s'identifient aujourd'hui comme la gauche, et même la gauche assez radicale. Et certains le font. Mais inévitablement alors, elle se compromettrait de nouveau avec un nouveau pouvoir qui dans ce moment-ci recherche simplement d'augmenter la production, le GNP au nom de tous. Et je crois qu'il faut plutôt chercher dans le message évangélique l'inspiration, le courage, le sens d'humour, le sens de relativité des choses, la peur de Dieu.
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+Je t'explique ce que je veux dire, ce que nous avons juste maintenant discuté. C'est la nécessité de fonder la survie du monde sur une nouvelle politique qui cherche des accords majoritaires sur ce qui est assez bon, assez vite, assez de vie. Je parle de la pauvreté d'esprit dans le sens le plus profond parce que ce sera des pauvres que sera cette terre nous dit l'Évangile. Il y a une étrange convergence entre la béatitude de la pauvreté si on la comprend dans ces termes politiques et que nous discutons ici et ce que la raison nous fait voir comme inévitable pour qu'on survive dans un monde dans lequel l'homme est devenu presque tout puissant.
+
+Et‚ ... un grand théologien du XVIe siècle, commentant sur la Somme de Saint Thomas, sur la relation entre les béatitudes et les dons du Saint-Esprit, fait voir comment Saint Thomas appelle la crainte de Dieu comme la base de la béatitude de la pauvreté, parce que la crainte qui n'est pas servile, parce que j'ai peur de toi parce que tu pourrais me battre, mais la crainte qui est amicale : je ne veux que rien entre toi et moi. La peur des choses qui pourraient m'empêcher d'être en contact avec toi est vraiment la base de cette pauvreté, de cette nécessité de limites supérieures qui doivent venir maintenant directrices pour une politique. Maintenant tu peux dire que c'est de l'utopie, je te dis non, mais que ce soit une croyance dans l'essentielle bonté de l'homme, même s'il est gravement blessé. Oui.
+
+
+**Domenach :**
+Ivan, j'ai encore une question à te poser. Tu as dit tout à l'heure que tu avais tes racines dans la Bible. J'ai l'impression que tu as des pairs dans presque tous les pays. Pourquoi t'es-tu installé dans la mesure où tu t'es installé, parce que parfois tu me fais penser au bohémien supérieur comme dit Wright Mills, tu sais les intellectuels qui vont de New York à Paris, de Paris à Tokyo. T'es-tu installé en Amérique latine et spécialement au Mexique?
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+**Illich :**
+Mais c'est toujours dit ma patrie, oui. Ma patrie dans le sens que je suis un fils adoptif, pas du Mexique. Je suis pas - par conviction déloyal à toute nation, à tout drapeau. Mais j'ai des amis ; tu en connais l'un ou l'autre, l'une ou l'autre. J'ai des amis et l'amitié me tient là, certainement pas des convictions. Mais enfin, tu sais que j'ai eu un peu le même sentiment quand je me suis trouvé au travail avec les Portoricains à New York, dans une paroisse ;
+20 000 gens venus des Tropiques dans ce taudis misérable. Là, j'ai connu la pauvreté, là j'ai compris ce que c'est qu'être pauvre, dire être pauvre. J'ai connu le Nord-Est du Brésil plus tard. Mais je n'ai jamais plus revu la misère, l'indignité des Portoricains à New York et ça m'a conduit à Porto Rico, à Porto Rico.
+
+**Domenach :**
+C'est à ce moment que tu as appris leur langue.
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+**Illich :**
+Oui, et c'est pour ça que je n'ai jamais appris bien l'Espagnol. Le Portugais, que j'ai appris bien dans notre école, le Portugais de Cuernavaca, que nous avions fondée à Rio de Janeiro, je l'ai appris de telle manière de me perdre dans le carnaval. Mais dans l'Espagnol, je parlerai toujours comme un Portoricain de New York.
+
+**Domenach :**
+Tu parles presque huit langues.
+
+**Illich :**
+Oui.
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+**Domenach :**
+Quelle est la tienne? Est-ce qu'il y en a une qui est la tienne?
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+**Illich :**
+Non, je suis un homme sans langue maternelle, je crois. C'est très dur, tu sais, parce que je me suis éveillé à la conscience en trois ou quatre langues simultanément et ça t'explique bien de choses.
+
+
+
+**Domenach :**
+Et pourquoi es-tu allé, comment es-tu allé vers ces Portoricains dont l'expérience a été pour toi fondamentale - par hasard ou parce que tu voulais vivre avec les pauvres?
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+**Illich :**
+Oui, par hasard.
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+**Domenach :**
+Par hasard.
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+**Illich :**
+Par hasard. J'étais à New York pour faire des études dans une bibliothèque et j'ai rencontré les Portoricains à la 108e. J'étais arrivé à New York après -
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+**Domenach :**
+Des études sur quoi?
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+**Illich :**
+Disons, de profession - je suis cristallographe.
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+**Domenach :**
+Cristallographe.
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+**Illich :**
+Même si j'ai fait ma thèse en histoire plus tard, mais c'est, c'est, c'est‚ ... ce sont ces certifications du savoir. Mais je les ai rencontrés à New York, je me suis fasciné. Je demandais de pouvoir travailler dans une paroisse ou vivre dans une paroisse où il y avait des Portoricains. J'étais tout seul au milieu de l'addiction à la drogue.
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+**Domenach :**
+Tu étais déjà prêtre à ce moment-là?
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+**Illich :**
+Oui, j'étais prêtre. J'ai fait, ce sont mes quatre années de travail de prêtre si tu veux, mais au milieu d'une situation qui est très difficile à décrire. Mais j'avais, je sais pas pourquoi, mais j'étais rappelé des années de jouer en cachettes en face d'Hitler comme déclaré Juif d'un moment à l'autre pendant la guerre. C'est comme ça que je suis tombé de là ; la vie m'a porté à Porto Rico et Porto Rico m'a mis à la porte.
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+**Domenach :**
+À la porte.
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+**Illich :**
+Oui.
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+**Domenach :**
+Le gouvernement?
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+**Illich :**
+Le gouvernement ensemble avec l'Église parce que je me moquais des folies.
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+**Domenach :**
+Des folies. Des folies ostentatoires tu veux dire.
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+**Illich :**
+Oui, oui, oui. De l'incorporation, de la charité à travers l'incorporation dans le marché nord-américain.
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+**Domenach :**
+Et alors tu es retourné à New York tout de suite -
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+**Illich :**
+Non, non, non, non, non. Avec un groupe d'amis, on a décidé qu'il faut créer une base indépendante, une république intellectuelle indépendante. À Cuernavaca, nous avons établi ce centre qui gagne sa vie et son indépendance en vendant une ressource naturelle qui est tout à fait remplaçable, la langue espagnole. Nous enseignons l'espagnol, exploitant aussi le français, mais tout le monde qui croit que nous sommes des génies à l'enseigner, c'est simplement la manière de survivre. Nous sommes cré - les coûts, une certaine indépendance intell - disons politique. Et maintenant nous avons ce club duquel tu sais qu'il y a 300-400 personnes qui y viennent, des pauvres et des riches, des gens de l'Amérique latine et même de l'Afrique pour y discuter l'un avec l'autre et chacun fait lo que le da la gana, comme on dit en Espagnol.
+
+**Domenach :**
+Une sorte d'université.
+
+**Illich :**
+Oui, mais il y a aucun universitaire y compris la directrice dans les 60 personnes qui la font marcher ou qui font marcher les publications, la bibliothèque. C'est populaire dans ce sens et c'est très difficile de décrire ## [0:21:17.5 si c'est?] pratique ou théorique parce que ça nous donne à certains d'entre nous, la possibilité d'être dans bien des endroits de l'Amérique latine profondément présent.
+
+
+
+**Domenach :**
+Est-ce que tu penses que l'expérience du fonctionnement de Cuernavaca est positive et que c'est un modèle qui pourrait être exporté maintenant, imité disons?
+
+**Illich :**
+Non, je ne me prononce pas.
+
+**Domenach :**
+Pas encore.
+
+**Illich :**
+Je ne me prononce pas. Je sais pas. Je crois que c'est tellement simple.
+
+**Domenach :**
+Combien d'années?
+
+**Illich :**
+Dix ans. Dix ans et ça fonctionne. Mais je crois que vraiment, toute personne qui perdrait ce sens d'infériorité que la damnée scolarisation, scolarité mentale donne et dirait, " Moi je vais réunir des amis pour discuter sur telle affaire et dans ce but, j'ouvre un petit café ", ferait la même chose. Et en effet, ça se passe maintenant, pas dans les capitales de l'Amérique latine, mais dans bien des endroits, les petits villages.
+
+**Domenach :**
+C'est la véritable université populaire.
+
+**Illich :**
+Oui, mais ça ne doit pas s'appeler université.
+
+**Domenach :**
+Et maintenant qu'est-ce que tu veux faire? Quel est ton projet?
+
+**Illich :**
+Je ne sais pas. Je ne sais pas.
+
+**Domenach :**
+Étudier?
+
+**Illich :**
+Vivre. Je ne suis pas Prométhéen, tu sais.
+
+**Domenach :**
+Ni poète.
+**Illich :**
+C'est à toi à décider de cette‚ ... si je suis mauvais.
+
+**Domenach :**
+Pourquoi t'ont-ils mis à la porte de Porto Rico, hein? Pourquoi?
+
+**Illich :**
+Parce que, à ce moment-là, j'étais un des cinq membres du comité qui dirige toute l'éducation publique à Porto Rico et aussi Recteur de l'université catholique. J'insistais que le 42 % du budget national de Porto Rico dédié à la scolarité n'était pas suffisant. Je voulais encore plus d'argent pour la scolarité publique parce que je croyais que les collèges privés faisaient une compétition sale, les collèges catholiques, cherchant d'acquérir plus de prestige et de cette manière-là, réduisant l'école publique à une école de seconde classe. Et je me suis rendu impossible, soit avec l'établissement libéral qu'avec l'établissement ecclésiastique et de droite. Et bien, j'ai un peu honte de parler de ça parce que, plus tard, l'analyse de l'Amérique latine à travers lequel je me suis promené pendant une année dans le passage de Cuernavaca à Porto Rico, de Porto Rico à Cuernavaca -
+
+**Domenach :**
+Tu t'es promené en profondeur, je crois que tu en as fait une bonne partie à pied.
+
+**Illich :**
+Oui, je l'ai fait comme les vieux Espagnols, à pied d'un bout à l'autre et c'est assez long. Mais en tout cas, je me suis rendu compte que mon erreur, que je partageais avec bien des autres, était de croire que c'est à travers une réforme de l'école qu'on puisse changer la productivité de l'institution et la distribution. C'est seulement plus tard que je me suis rendu compte que tant que l'école reste école, son sous-produit non désirable est bien pire que le produit dans ses meilleures conditions que les gamins apprennent quelque chose.
+
+Parce que qu'est-ce que vous voulez‚ ... à l'école, l'enfant apprend avant tout que, apprendre est le résultat d'un processus d'institution officiel. Il apprend que, d'année en année, on devient d'une valeur plus grande personnelle parce qu'on accumule plus une nouvelle couche d'un bien spirituel, d'un bien non tangible. On apprend que ce qui est valable à apprendre, ce qui me servira plus tard, ou peut-être ce qui servira à la société plus tard, c'est ce qui peut être transmis par quelqu'un qui est professionnel. On apprend que, enseigner, si on n'est pas professionnellement instituteur, est en quelque forme, moins valable.
+
+Alors toute la critique de l'école est postérieure à l'année 60. Je crois que nous avons eu un certain succès à susciter la pensée sur la nécessité de la déscolarisation des sociétés, d'imaginer une société qui est plus simple avec une technologie plus transparente, ce qui suppose les limites desquelles on a parlé avant, et desquelles on va encore parler. Maintenant je crois que notre tâche à Cuernavaca serait - et nous y sommes mis totalement - à faire des analyses analogues dans le domaine de la santé, dans le domaine des mythes de la vitesse et dans le domaine habitationnel. En Amérique latine dans tous nos pays maintenant, les critères minimums qui déterminent si une maison est habitable ou peut être rasée s'il ne plaît pas à la ville sont si complexes qu'une maison qui correspond au minimum d'habitabilité coûte par mois un loyer supérieur aux entrées du 80 % de notre population. Dans tous ces domaines de l'éducation, de la santé, de l'habitation, ce qu'il faut faire, c'est de mettre dans les mains des gens des nouveaux instruments que la technologie nous donne pour qu'ils s'abritent, se soignent, apprennent. La vidéothèque même n'est pas tellement chère aujourd'hui. Ça veut dire retransformer notre langage ; dans notre langage présent, nous appelons, nous, nous utilisons comme substantifs des concepts qui avant étaient exprimés par des verbes actifs. On est dans un moment qu'on connaît très bien de la décadence de l'Empire romain, de la Gnose ## [0:27:58.2 inaudible] ; savoir est transformé dans le stock du savoir auquel on peut acheter des certificats ou obtenir des certifications. On est particulièrement capable de l'accumuler parce qu'on est fait pour être un capitaliste du savoir par caractère.
+
+**Domenach :**
+Cette école que tu attaques, ça a été une des fonctions principales de notre progrès culturel et social et, comment peux-tu imaginer une société sans école?
+
+**Illich :**
+Avant de comprendre ou de parler de la société sans école - qui était la société de toutes les époques historiques et qui est la société dans laquelle vivent encore les trois quarts de l'humanité qui ne vont pas à l'école ou sont exclus par l'école après un an ou deux ans, et dans ce sens, ils sont dans une condition pire parce qu'à l'école, ils ont appris seulement qu'ils sont inférieurs à ceux qui sont avancés dans l'école - il faut comprendre le mal que l'école fait. Maintenant, dans ce but, il faut distinguer clairement entre ce que l'élève ou son instituteur personnellement font dans certaines circonstances et ce que l'école structurellement inévitablement fait.
+
+Quelques fois, un élève apprend quelque chose d'un instituteur, et chacun de nous se rappelle que quelques fois, pendant sa jeunesse, il a eu une journée, une heure très illuminante avec un maître. Mais ça, c'est quelque chose de bien différent de ce que l'école enseigne dans le monde entier. Elle enseigne à l'enfant qu'il a besoin de l'institution pour apprendre. Il enseigne à l'enfant qu'il ne peut pas apprendre ce qu'un autre a jugé appartient à une place supérieure. Il enseigne à l'enfant de se sentir classé par un bureaucrate. L'école enseigne inévitablement à l'enfant que l'enseignement que la société respectera est le produit d'une institution, établie par cette institution et par des experts qui savent comment produire cette marchandise. L'école inévitablement introjecte le capitalisme, la capitalisation du savoir, parce que c'est le capitaliste en savoir qui peut démontrer avec des certificats ce qu'il a accumulé intérieurement auquel la société reconnaît une valeur sociale supérieure à celui qui a des certificats d'action de niveau inférieur.
+
+L'école, dès le moment où elle est devenue obligatoire - et comme je t'ai dit, dans la majorité des pays, elle est obligatoire, mais insuffisante pour la grande majorité même sur ce niveau obligatoire - dans le monde entier l'école a été établie comme l'organe reproductif de la société. La Russie se reproduit moyennant la même institution qu'utilisent les États-Unis : l'assistance cependant mille heures par année dans des groupements d'âges spécifiques d'une trentaine d'enfants autour d'un professeur pour des années successives pour accumuler intérieurement le savoir. L'école est à la racine d'une spiritualisation du capitalisme. Et il n'y a pas de possibilité d'alternative au capitalisme tant qu'on continue de capitaliser les gens en savoir pour une réalité qui devient toujours plus complexe pour pouvoir justifier la nécessité de cette capitalisation.
+
+**Domenach :**
+En France où l'école publique a été liée à toute la lutte pour le progrès, quand tu parles de déscolariser les gens se disent : " Mais il veut nous faire retourner à l'époque du Moyen Âge! ".
+
+**Illich :**
+Je sais, mais c'est tellement difficile de parler du capitalisme des biens non tangibles. Et les gens souvent ne comprennent pas qu'à travers l'école et particulièrement l'école obligatoire, on a transformé la croissance, l'apprendre, l'épanouissement en résultats de la consommation d'un produit d'une grande institution de type international : l'école. On a traduit croissance personnelle en éducation qui est égale à scolarité. Et ça devrait être logique qu'une fois qu'on fait cette traduction et la rendre obligatoire, l'éducation, le savoir même, devient une marchandise même si elle est produite comme dans la majorité des pays d'aujourd'hui sous contrôle d'état par un ministère ; l'éducation ou mieux encore le savoir devient rare dès le moment qu'il devient une marchandise.
+
+Le vrai problème, le vrai défi aujourd'hui pour le socialisme c'est de se rendre compte de la nature de marchandise des traitements social, des traitements, je crois c'est " traitement " la parole, non? Des thérapies qu'on définit comme produit institutionnel. Parce que tout ce bavardage sur la pollution - qui a des raisons très sérieuses d'être parce qu'on est en train de détruire la nature de Pandore - ne font pas de sens si on ne se rend pas compte qu'on peut détruire de la même manière la convivance sociale, la texture sociale, si on suit l'exemple de la Russie ou des États-Unis, cherchant de développer le secteur tertiaire, le secteur des services obligatoires, arrivant à transformer tous les besoins interpersonnels - le besoin d'être assisté quand je suis malade ou mourant, le besoin de m'ouvrir au monde et de m'illuminer sur ce qui se passe dans le monde quand je suis jeune, le besoin de passer d'un endroit à l'autre dans le transport - si on transforme tout ça en marchandise.
+
+Quand Marx écrivait son fameux premier chapitre du Capital, pour lui la marchandise était avant tout un morceau d'étoffe. Il était tangible. Mais si tu le lis avec attention, c'est très clair que ce vieux monsieur étrange voyait quand il parle du ## [0:35:18.1 Sprung über der Abgrund?], voyait ce qu'un jour pourrait se passer particulièrement dans ce beau chapitre où il dit : et de cette manière-là, on pourrait avoir toujours plus de choses utiles et de personnes inutiles. Il se rendait compte que le moment pourrait arriver quand tous les services pour l'homme deviendraient des marchandises. Je ne crois pas que le problème de la dégradation du monde présent, la triple dégradation du monde moderne laquelle je parle tout de suite puisse se solutionner si les politiciens et les idéologues ne se rendent pas compte de la nature marchandise que nous avons donnée au nom bien souvent du socialisme à tous les traitements.
+
+Maintenant quand je parle de triple pollution, de la triple dégradation dans le monde, je pense toujours l'élimination des ressources ultérieure, la dégradation ou dévaluation de la marchandise de laquelle on dépend et de laquelle on devient esclave et de la polarisation sociale. Restons dans le cas de l'école. Une fois que je traduis éducation ou savoir en scolarité, automatiquement il y aura certains qui pour certaines raisons seront sélectionnés pour en avoir beaucoup plus que les autres et qui justifieront leur privilège économique, social, politique par le fait qu'ils ont accumulé spirituellement une marchandise non tangible qui s'appelle le savoir.
+
+Ce qu'il faut comprendre c'est qu'un monde technologique dans lequel on n'a pas besoin de spécialistes est un monde dans lequel certaines dimensions de la technologie, possibles à travers la technologie, sont radicalement limitées au bien du peuple. Tout le monde au Pérou saurait comment se réparer son âme mécanique, si c'était une âme mécanique, et personne même Monsieur le Président ou l'ambulance ne pourrait pas venir à une vélocité supérieure à 15 kilomètres. Tout le monde au Pérou ou au Mexique pourrait apprendre comment faire les analyses de sang nécessaires pour identifier le 90 % des maladies desquelles aujourd'hui les jeunes meurent dans une question de deux semaines et d'administrer les médecines correspondantes. Mais pour ça, il faudrait éliminer la possibilité d'avoir dans un petit pays comme le Honduras, deux bombes cobalt en compétition l'une avec l'autre qui sert uniquement à ceux qui sont déjà devenus des capitalistes du savoir, ça veut dire ceux qui ont accumulé, introjectant une éducation qui est disponible sur un marché - ça ne fais aucune différence si c'est un marché de type occidental ou oriental - comme marchandise.
+
+**Domenach :**
+La question qui me préoccupe et que je te pose, cet optimum social, économique, qui le définit et qui en fera une politique?
+
+**Illich :**
+Écoute, je parle d'un maximum, pas d'un - relationné probablement à un optimum, et je dis que dans un monde dans lequel toute dimension devient possible scientifiquement, toute vélocité devient possible, toute prolongation de vie devient possible. Celui qui dirigeait le programme des fusées aux États-Unis maintenant, le mois dernier, a laissé son travail pour se dédier à la production de l'immortalité. Mais tout devient possible à certains tant que la grande majorité est prête à faire les esclaves pour envoyer un homme à la lune ; dans un tel monde, c'est inévitable que la politique s'oriente à créer un toit, un profil de ce que nous considérons dans certaines dimensions suffisant pour nous.
+
+
+**Domenach :**
+Prométhée, l'homme du travail et de la révolte contre les dieux, continue de vivre avec nous. Mais l'autre, Épiméthée, on n'en parle plus. Tu crois qu'il est encore vivant?
+
+**Illich :**
+Il est la figure mythologique oubliée dans l'Occident. C'est l'homme qui reste avec Pandore, qui a fermé son amphore avant que l'espérance pouvait échapper. C'est l'homme qui reste avec l'autre. Et Épiméthée, c'est l'homme qui a inventé l'espoir, qui a inventé la planification, la création du monde pour l'homme lorsqu'Épiméthée reste avec l'autre dans le monde. Et je crois que le vrai problème aujourd'hui, c'est celui de récupérer une signification profondément humaniste dans cette terre, sur cette terre de l'espoir dans l'autre. L'espoir a été aliéné en devenant le produit d'institution supernaturel, surnaturel qui produisait à travers des rites un espoir dans un autre monde, et dans ce sens-là Camus a eu raison de soulever ce problème-là.
+
+**Domenach :**
+Mais l'espoir justement, il faut le réintégrer à nous n'est-ce pas? À nos vies.
+
+**Illich :**
+À nous, à nous.
+
+**Domenach :**
+À nous, c'est-à-dire sous une forme de communauté ou comme tu dis, de convivialité.
+
+**Illich :**
+Exactement.
+
+**Domenach :**
+C'est-à-dire une manière de vivre ensemble qui ne soit plus de nous projeter vers les choses.
+
+**Illich :**
+Oui, exactement. Il faut se rendre compte que la productivité des institutions arrive à un certain point où il commence à étouffer, rendre impossible notre disponibilité à la convivialité. On arrive à un certain point où toute une culture peut être tellement orientée vers la réalisation de la vie humaine à travers la consommation de biens et de services qu'on devient incapable, comme membre typique de cette culture, de dépendre de la surprise que l'autre, même s'il n'est pas un professionnel, même s'il n'est pas membre d'une institution, même s'il n'a pas appris quelque chose de spécial, peut me soigner, je peux apprendre de lui. Il faut opposer l'espérance récupérée à l'espoir dans le sens de l'anglais, expectation, rising expectation. Il faut de nouveau apprendre à opposer la disponibilité à la surprise par toi, à l'expectative, à l'espoir que l'institution me donnera le produit que j'ai appris à planifier et à déterminer d'avance. Je crois que cette récupération de la capacité de dépendre l'un de l'autre, même dans les sociétés technologiques qui sont les sociétés les plus malades dans l'Occident et dans l'Orient, est la grande tâche de ce moment-ci.
+
+Normalement on voit le problème de l'avenir, aujourd'hui quand on discute, comme nous avons discuté ces jours ici, comme un effort de rendre les institutions plus productives, de protection contre les maux que Pandora a laissé échapper et de distribuer mieux le résultat, le produit de ces institutions. Je crois que la vraie tâche, c'est une inversion des institutions.
+
+**Domenach :**
+Oui. Tu sais bien ce qu'on dit de ces idées-là. On dit que c'est de l'utopie.
+
+**Illich :**
+Je sais pas à quoi opposer l'utopie. On l'oppose comme tous les managers d'homme au réalisme, ce qu'eux appellent le réalisme. Je parle de simplification, je parle d'inversion institutionnelle et je parle de déprofessionnalisation et tous les trois me semblent des exigences inévitables si nous voulons survivre et pour cette raison-là, dans mon sens, réalistes. Je parle de simplification et très souvent les gens disent, ah c'est un autre de ces songeurs dans la grande tradition du retour à la nature primitive. Je n'ai rien contre l'identification avec les conservateurs néologiques, je n'ai rien contre l'idée qu'on m'appelle un conservateur néolithique.
+
+**Domenach :**
+Néolithique.
+
+**Illich :**
+Oui, c'est une désignation.
+
+Je parle de la nécessité de la simplification de la vie si nous voulons avoir une terre qui est bonne. Parce que ceux qui parlent contre la simplification pour le progrès continuel, progressus populorum, dans le latin médiéval, ça veut dire les peuples qui deviennent fous, disent qu'on ne sait jamais ce qui est bon et bien parce que le bon est toujours le plus. Je parle de l'inversion des institutions. Au lieu des institutions que nous avons qui sont des éventails, des emboutoires, des entonnoirs, pour donner le savoir à l'enfant, je demande des institutions qui mettent à la disposition de celui qui veut apprendre un monde assez simple pour pouvoir apprendre de la vie, plutôt que d'apprendre sur la vie.
+
+Je crois, en marchant à travers toute l'Amérique latine de Caracas jusqu'à Santiago, pendant des mois et des mois, j'ai eu tellement d'occasions de vivre dans des petits villages, que les gens savent comment vivre sainement plutôt que d'avoir besoin de médecins qui leur produisent des services de santé pour vivre sur le navire spatial terre comme les écologistes, mécanisistes s'expriment avec tel plaisir. Et finalement je crois dans la déprofessionnalisation ; je la vois au‚ ... On a su déprofessionnaliser l'écrire et le lire ; pourquoi pas déprofessionnaliser comme font les Chinois presque toute la médecine. Nous savons que dans les accidents, la majorité des gens meurent parce que celui qui est près d'eux dans ce moment-là ne sait pas quoi faire. Ça veut dire je parle de la repersonnalisation des valeurs, des échanges et des services sur un niveau de compétence qui n'aurait pas pu être songé avant la technique moderne. Je crois que la condition principale pour pouvoir rendre politiquement faisable ce dont je discute sont des accords majoritaires sur certaines dimensions base dans lesquelles nous visons telle vitesse est suffisante, tel outillage pour la santé est suffisant. Et même si tu veux l'avoir, au moins socialement, on ne produit pas plus pour toi que ce qui a été décidé comme assez bon pour tout le monde par accord communautaire.
+
+Dans le moment présent et depuis la Révolution française de plus en plus, on définit comme but d'une démocratie de définir en commun le minimum que tout le monde doit avoir. Je propose une inversion de ce concept, de faire but principal d'une politique saine la recherche du maximum sur lequel tout le monde peut se mettre d'accord que c'est suffisant pour chacun. Je parle pour cette raison-là en économie d'un passage, d'une économie fondée sur la circulation vers une économie d'un État stable qui reconnaît que le monde est limité, n'est pas un système ouvert, le monde physique, matériel, et qui reconnaît que l'invention, la poésie, l'imagination par définition s'ils sont vrais ne sont pas des marchandises et pour cette raison-là, illimités.
+
+Pour le dire encore une fois, si c'est plus [0:49:07.9 simple?], quand on me demande si je suis utopiste, je dis, je parle pour la simplification et pas pour le romanticisme. Je parle pour l'inversion de la fonction des institutions et pas contre toutes institutions. Et je parle pour la déprofessionnalisation et la repersonnalisation des valeurs, je parle pas contre la compétence. Mais pour chacun de nous qui vit dans un monde simple, on sait que de la boue les gens font, savent faire des choses d'une beauté et d'une complexité imaginaires extraordinaires. Laisse-moi te citer un poème que j'ai lu juste dans l'avion en venant à Paris pour cette occasion.
+
+C'est un poème néolithique aztèque écrit par un Espagnol en lettre espagnole, mais dans le Nahuatl. Ce poème dit :
+
+> " Pour un tout petit temps seulement, nous sommes prêtés l'un à l'autre. "
+
+[0:50:21.9 Parce que?] c'est adressé à un dieu.
+
+> " Nous vivons parce que tu nous dessines. Nous avons de la couleur parce que tu nous peins. Et nous respirons parce que tu nous chantes. Mais seulement pour un tout petit temps, nous sommes prêtés l'un à l'autre. "
+
+Et ça continue.
+
+> " Parce que nous nous effaçons comme dans le dessin même quand il est fait dans l'obsidienne. Nous perdons notre couleur comme même le quetzal, le bel oiseau vert perd sa couleur. Et nous perdons notre son et notre respire comme même le chant de l'eau. Pour un tout petit temps, nous sommes prêtés l'un à l'autre."
+
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+Le Service de la recherche de l'RTF vous a présenté dans la série Un certain regard Ivan Illich.
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+Image Bernard Dumont
+assisté de P. Bernard Jaume
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+Son Xavier Vauthrin
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+Script-girl Fabienne Choukroun
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+Assistant réalisateur Christian Gomila
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+Montage Jeanine Martin
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+Régie générale Jean Lefaux
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+Réalisation Bernard Rothstein
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+## English translation
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+The Service de la recherchŽ of the RTF presents Ivan Illich in its series Un certain regard.
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+Curious about the world, worried for the world, lover of mankind and gods, Ivan Illich was born in Vienna in 1926 in a then fragile and unstable Europe. He lived in many different places, moving often due to his Jewish heritage.
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+He learned eight languages and turned to God to become a priest, then a bishop before leaving hierarchy behind in order to be a perpetual traveller in search of justice and life. Like the crystals that he also studied, his speech is made up of geometric, angular fragments in which history, philosophy and science blossom in seeming disarray before taking form as star-like ideas.
+
+We can of course put our faith in other suns or worship dead stars, and the lights of Illich may seem like nothing more than faraway nebulas.
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+Tonight, we look through the eyes of an astronomer of humanity.
+
+Interview conducted by Jean-Marie Domenach
+
+----
+
+**Ivan:**
+You know the story of Pandora. She came, and there were two brothers: Prometheus, the one who looks ahead, the planner, and his brother Epimetheus, the one who looks back. Prometheus said to Epimetheus, "Don't touch her." But Epimetheus fell in love with Pandora and stayed with her. The story says she opened her amphora. According to Hesiod, all the evils flew out, and Epimetheus remained with the only gift that didn't escape, hope. We rarely see him again in classical mythology. Classical mythology since that time focused on the future, on the attempt to put back into a box all of the evils let out by the classical Pandora. The man Epimetheus goes on by trying to abandon Pandora, focussing on the evils and by trying to create a world where we have institutions - to me, asylums - to hold the different evils that were originally released.
+
+I think that the story of Pandora - the story of Pandora - is the best story about the corruption of the man of Delphos, of the earth, interpreter of dreams and images, to become the man that plans. Delphi later became the center for planning because all of the - how do you say it?
+
+**Domenach:**
+Greek cities
+
+**Ivan:**
+Yes, the Greek cities were founded where the priests of Delphos said they should be founded. Delphi had more knowledge than most because everyone brought their stories there. So the priests could give advice - like planners do nowadays - by listening to what people were saying and predicting for the future what they'd already heard in the present.
+
+On her sex you can see the serpent with death for a head. This woman's womb was placed in her hands, and it became a moneybox. To me, Pandora is one of the most fascinating figures in Western history. I think that the entire rise of capitalism - what I call capitalism in the broadest sense of the word - can be studied by knowing this woman. In today's world, if we don't turn back to Pandora Gea, - who lives, who lived, and I believe still lives in her cave at Delphos - if we don't regain our ability to recognize the dream language she can interpret, we are condemned; the world cannot survive.
+
+Look at what happened in the cave when her womb became a box. The priests - male! - of Apollo who came from Asia Minor replaced Pandora in her cave with a little girl on the tripod, a girl that they took prisoner, that they drugged to make her say things, and then, in hexametric verse predicted the future, like modern-day engineers. I have the impression that today we're seeing a new form, a new Pythia a new Pythia has been established in the form of the computer, the calculator, the electronic machine that speaks to us not in hexameters, but in dodecameters with its rhythm of 12 bits per unit. It's the end of the world. It's the final, ultimate conclusion that we've reached by substituting the Pythia - the world that sees Pandora as the holder of a box - for the ancient Mother Earth, that we now see - our generation,at least young people - as the blue star that we gaze upon with nostalgia from the moon.
+
+This degenerate Virgin Mary in her degenerate form as Granter of Mercies, was brought to Mexico by the Spanish, but there the Spanish found a different goddess, Tonantzin, of another primitive people with a very different vision of the world. They identified the Virgin Marywith Tonantzin just as the first Christians associated the Virgin Mary with the Hellenistic Gaia, very rarely with the ancient Pandora, Gea Pandora. Tonantzin is a completely different goddess. I see her every day from our balcony.
+
+**Domenach:**
+In Cuernavaca.
+
+**Ivan:**
+Yes, we have the two great volcanoes, Popocatepetl and his wife, Tonantzin Ixtachiuatl. The sun rises each day between her feet. However, it's a world that Europeans don't understand, because at night, Tonantzin eats the sun and gives birth to the stars: she eats it at night, and that's why her stomach is full of bones, the bones of ancient eaten stars. You can see the whole problem as well with extending Western culture to the Americas when we try to unify goddesses through symbols, by merging the symbols of the Virgin Mary and the Hellenized Gea with the Neolithic Tonantzin of the Aztecs. Oh, there's so much to say about that...
+
+**Domenach:**
+You've talked a lot about these goddesses surrounding us, but throughout our conversation, you haven't mentioned the name of Christ. Is that done on purpose?
+
+**Ivan:**
+Well, you see... I don't like to speak... about my friends in a superficial way. And, to take it one step further, I think that nowadays, people tend to use the name of God in vain, usually to justify something. I would rather make it known that I love him without talking about it. It's almost impossible to do that these days without getting trapped in very dangerous ambiguities.
+
+**Domenach:**
+There's the institution and also the inverse of the institution. What does it mean when this institution claims to follow Christ?
+
+**Ivan:**
+Well, the institution is based on the political model, on the model of an administration, of a bureaucracy, even the Bible, I know. The fact that I have my roots in the church makes it a mother, in a sense. We're stuck with her for life, like you with your wife. And I also know from the Bible that she is a whore. And I wouldn't be a Roman, a Roman Christian in the church that the Lord founded, if I didn't have the courage to identify myself as the son of a whore. But, there are things that, you see... The alienation is such that if I were to speak about the Church as it is you would see immediately and clearly that it is in decline.
+
+In France or Rome or most Latin American countries, I would associate with a party, agitators perhaps, left-wing agitators rather than right. Let's accept the ambiguity of being sons of a mother who is unworthy, but not one of us. In a way, that helps clarify what should be our attitude towards the institution. In the West, there is one great tradition of study, of analysis of an institution other than the state: ecclesiology. By applying the broad theory of ecclesiology, by profoundly secularizing it, we could better speak about these new religions that seek to *produce* worldly blessings like education, health, wellbeing, and we would have a clearer idea of what an institutional inverse should be. Present-day institutions and even the Church are trying to *produce* grace, whereas they should be tables around which we can find each other, in a mysterious way. And we could regain an intimate, ever-personal sense of hope, rather than allow hope to become - as we discussed earlier - alienated, and prove right what Camus says about this in studying the current form of the French language.
+
+**Domenach:**
+And you think that the church does a lot, can do a lot in Latin America where it's most...
+
+**Ivan:**
+It's still a powerful institution. And for that reason, it could use its power to support, for example, those who consider themselves the left these days, even the radicals. Some people are doing that. But inevitably, it would be compromised again by a new power whose only goal right now is to increase *production*, the GNP, on behalf of everyone. I think that instead, we should be looking to the message of the gospel for inspiration, courage, a sense of humor, a sense of the relativity of things... the fear of God.
+
+Let me explain what I mean by what we've just discussed. The world's survival must be founded on a new political system where majority agreement establishes what is good enough, fast enough, alive enough. I'm talking about poverty of spirit in its deepest sense, because the poor are the ones who will inherit the earth. There's a strange convergence between the beatitude of poverty - if we understand it in these political terms that we're discussing here - and what we can logically see is essential for survival in a world where man has become almost all powerful.
+
+There's a great theologian from the 16th century who commented on Saint Thomas' Summa, on the relationship between the beatitudes and the gifts of the Holy Spirit. He shows how Saint Thomas considers the fear of God to be the core of the beatitude of poverty, because it's not a subservient kind of fear, like me being scared of you because you could hit me. Rather, it's a friendly kind of fear, it's me not wanting anything to come between us. The fear of whatever might stop me from being in contact with you is really the essence of this poverty, of this need for upper limits that must now guide politics. Now you might say this is utopia, but I say no; it's a faith in the essential goodness of man, even if he is gravely wounded. Yes.
+
+**Domenach:**
+Ivan, I still have a question to ask you. You said earlier that you had your roots in the Bible. I'm sure that you could find like-minded people in almost every country. Why did you settle in the way that you did? Because you remind me sometimes of what Wright Mills calls the elite bohemians, you know, the intellectuals who go from New York to Paris, Paris to Tokyo. Have you settled in Latin America and Mexico specifically?
+
+**Ivan:**
+Yes, I always call it my homeland. My homeland in the sense that I'm an adopted son, not from Mexico. I'm not disloyal in principle to any nation or flag. But I have friends; you know a few of them. I have friends, and it's friendship that keeps me there, definitely not principles. But you know, I felt the same way when I was working with the Puerto Ricans in New York, in a parish; 20,000 people from the tropics in that miserable slum. There I really knew poverty; there I really understood what it meant to be poor, to be called poor. Later, I explored northeastern Brazil, but I never again saw misery, indignity like that of the Puerto Ricans in New York. And that's what drove me to Puerto Rico...
+
+**Domenach:**
+That's when you learned their language.
+
+**Ivan:**
+Yes, and that's why I never learned Spanish well. Portuguese I learned well at our school - "Cuernavaca Portuguese", which we founded in Rio de Janeiro - well enough to get lost in the carnival. But in Spanish, I will always sound like a Puerto Rican from New York.
+
+**Domenach:**
+You speak about eight languages. Is there one that you call your own?
+
+**Ivan:**
+No, I'm a man without a mother tongue, I think. It's very hard, you know, because my mind developed in three or four languages at the same time... and that explains a lot.
+
+**Domenach:**
+And why did you, how did you end up among the Puerto Ricans, which was such a fundamental experience for you? By chance or because you wanted to live among the poor?
+
+**Ivan:**
+By chance. I was in New York to study at a library and I met the Puerto Ricans on 108th St. I had arrived in New York after Studying what? Well, studying as a professional crystallographer. A crystallographer! Even though I wrote my thesis in history later, they're just certificates of knowledge. But... I met them in New York. I was fascinated and I asked to work in a parish or live in a parish where there were Puerto Ricans. I was all alone in the middle of a drug addiction.
+
+**Domenach:**
+Were you already a priest at that time?
+
+**Ivan:**
+Yes, I was a priest. I did my four years of work as a priest I suppose, but in the middle of a situation that's very difficult to describe. But I had, I don't know why, but I was reminded of the years playing hide-and-seek from Hitler, being declared a Jew from one moment to the next during the war. That's how I ended up leaving; life took me to Puerto Rico, and Puerto Rico threw me out.
+
+**Domenach:**
+Threw you out.
+
+**Ivan:**
+Yes.
+
+**Domenach:**
+The government?
+
+**Ivan:**
+The government and the Church together because I was ridiculing the foolishness.
+
+**Domenach:**
+Foolishness? You mean the foolish ostentatiousness?
+
+**Ivan:**
+Yes, yes, yes. The incorporation, the charity through incorporation into the North American market.
+
+**Domenach:**
+So you came back to New York right away?
+
+**Ivan:**
+No, no, no, no, no. A group of friends and I, decided we needed an independent base of operations, an independent intellectual republic. In Cuernavaca, we established this center that earns its living and its independence by selling a natural resource that's completely sustainable: the Spanish language. We teach Spanish, sell a bit of French too, but everyone who thinks that we're geniuses of teaching, well, it's just how we get by. We created a certain independence, intellectually and politically. And now we have this club where, you know, there are 300-400 people who come there, poor and rich, people from
+Latin America and even Africa to discuss with each other, and everyone does "lo que le da la gana", ["what wins for them "] as we say in Spanish.
+
+**Domenach:**
+Like a university.
+
+**Ivan:**
+Yes, but there are neither professors, nor a director, within the 60 people that work there or work on the publications, or in the library. So it belongs to the people, and it's hard to explain whether it's practical or theoretical. Because for some of us, it gives us the chance to be deeply present in many places throughout Latin America.
+
+**Domenach:**
+Do you think that the way Cuernavaca is being run is positive and that it's a model that could now be exported, or perhaps replicated?
+
+**Ivan:**
+No, I won't predict. Not yet. I won't predict, I don't know. Get it!?
+
+**Domenach:**
+How long have you been there?
+
+**Ivan:**
+Ten years. Ten years and it works. But... I really think that, anyone... If he were to lose that sense of inferiority produced by damned schooling, mental schooling and say, "I'm going to get some friends together to discuss this-and-that, andI'm opening a little cafe to do it." is doing just what we do. And that is actually happening now, not in the capital cities of Latin America, but in many places, in small villages.
+
+**Domenach:**
+It truly is the people's university.
+
+**Ivan:**
+Yes, but it shouldn't be called a university.
+
+**Domenach:**
+So what do you want to do now? What's your plan?
+
+**Ivan:**
+I don't know. I don't know.
+
+**Domenach:**
+Study?
+
+**Ivan:**
+Live. I'm not Promethean, you know.
+
+**Domenach:**
+Nor a poet.
+
+**Ivan:**
+It's up to you to decide that... whether I'm any good.
+
+**Domenach:**
+Why did they throw you out of Puerto Rico? Why was that?
+
+**Ivan:**
+Because at that time, I was one of five members of the committee that directs all public education in Puerto Rico as well as the Rector of the Catholic University. I was insisting that the 42% of Puerto Rico's national budget that went to education was not enough. I wanted more money for public education, because I believed that the private colleges, Catholic colleges, were creating unfair competition, trying to get more prestige and thereby reducing public schools to second-class education. I found myself at odds, whether with the liberal establishment or with the ecclesiastical, right-wing establishment. And, well, I'm a bit ashamed to speak of it now because later, the analysis of Latin America, where I travelled for a year going from Cuernavaca to Puerto Rico, - rather Puerto Rico to Cuernavaca...
+
+**Domenach:**
+You travelled extensively, and you did a lot of it on foot, right?
+
+**Ivan:**
+Yes, I did it like the Spanish did a long time ago, on foot from one end to the other, and it's quite far. But anyway, I realized that my mistake, which many others have made, was believing that through *reform* of the schools we can change institutional productivity and distribution. Only much later,
+did I realize that as long as school stays school, it will have an unwanted by-product that is much worse than its product under the best conditions, that is, children learning something.
+
+Because what can you say... At school, the first thing a child learns is that learning is the result of an official, institutional process. He learns that year after year, we become personally more valuable because we continue to accumulate new layers of a spiritual product, an immaterial product. We learn that what is worth learning, what will be useful later, or perhaps what will be useful for society later is what we get from a professional. We learn that teaching, if not done by a professional instructor, is in some way less valuable.
+
+All this criticism of schooling has happened after 1960. I think that we've been fairly successful in getting people to think about the necessity of deschooling society, of imagining a simpler society with more transparent technology, which implies having the limits that we talked about earlier and that we're going to discuss more. I think that now, our task in Cuernavaca - and we've completely dedicated ourselves to this - is to conduct similar analyses for healthcare, the myths of speed, and housing. In Latin America in all our countries now, the minimum criteria for determining whether a house is habitable or should be torn down- if unwanted by the city - are so complex that a barely habitable house costs more per month in rent than income for 80% of the population. In all of these fields Ñ education, healthcare, housing Ñ what we need to do is give people new tools, provided by technology, so that they can shelter themselves, take care of themselves, learn. Even a video library is not that expensive these days. This means transforming our language again; currently, in our language we use nouns for concepts that used to be expressed as verbs, as action verbs. We're in a time now where we understand the fall of the Roman Empire, the Gnosis. Knowledge is transformed into a knowledge store where we can buy certificates or obtain certifications. We are good at accumulating them because we've been made into knowledge consumers by character.
+
+**Domenach:**
+This schooling that you attack, it was one of the main functions of our cultural and social progress. How can you imagine a society without school?
+
+**Ivan:**
+Before understanding or talking about society without schooling - which was the case in all historical eras and for three quarters of the population who don't go to school or who are excluded from school after a year or two, and in a way, they're in an even worse situation because in school, they learned only that they are inferior to those who receive more schooling - we must understand the harm that schooling does. In order to do that, we must distinguish clearly between what the student or his teacher does personally in certain circumstances and what schooling, as a structure, does inevitably. Sometimes, a student learns something from a teacher. We all remember those times in childhood when we had a truly enlightening day or hour with an instructor. But that is something completely different from what school teaches throughout the world. It teaches the child that he needs the institution in order to learn. It teaches the child that he may not learn what someone else has decided belongs to a higher level. It teaches the child to feel classified by a bureaucrat. School inevitably teaches the child that the kind of teaching respected by society is the product of an institution; is established by this institution and by experts who know how to produce this commodity. Schooling inevitably is shaped by capitalism, the capitalization of knowledge, because it's the knowledge capitalist that can use his certificates to show what he has accumulated internally, and society attributes a higher social value to him than to the person who has the less-valued certification of experience.
+
+From the moment that schooling became obligatory - and as I said, in most countries it is obligatory, but still insufficient for the vast majority even at that obligatory level - schooling was established throughout the world as the reproductive organ of society. Russia reproduces by way of the same institution used by the United States: attendance for a thousand hours a year, in age-specific groups, of about thirty children with a teacher, for years upon years, in order to internally accumulate knowledge. School is the root of the spiritualization of capitalism. And there's no possible alternative to capitalism as long as we continue to produce knowledge consumers in a reality that is becoming too complex to justify the need for this capitalization.
+
+**Domenach:**
+In France, public education was associated with the whole fight for progress, so when you talk about deschooling, people say to themselves, "He's trying to take us back to the Middle Ages!"
+
+**Ivan:**
+I know... but it's extremely difficult to talk about the capitalism of immaterial products. And often people don't understand that through schooling, and especially obligatory schooling, we transform growth, learning and development into the result of consuming the product of a large, international institution: school. We have transformed personal growth into education, which equals schooling. And it should be logical that once we've made this transformation and made it obligatory, education, knowledge itself becomes a commodity - even if it's produced, as in most countries today by a department controlled by the state - education or better yet, knowledge becomes rare as soon as it becomes a commodity.
+
+The real problem, the real challenge for socialism today is to account for the commodification of social treatments -"treatments" is the word? Ñ the therapies that we define as institutional products. Because all this talk about pollution - which is very valid since we're currently destroying the natural world of Pandora - doesn't make any sense unless we realize that we can, in the same way, destroy social conviviality, social texture, if we follow the example of Russia or the United States. By trying to develop the tertiary sector, the obligatory service sector we end up transforming all interpersonal needs - the need for help when I'm sick or dying, the need to be open to the world and to learn about what was happening in the world when I was young, the need to go from one place to another using transportation - we transform all of that into commodities.
+
+When Marx wrote his famous first chapter of Das Kapital, for him, the commodity was first and foremost a piece of fabric. It was tangible. But if you read closely, it's clear that this strange old man saw, when he spoke of "jumping into the abyss". He saw what could happen one day, - especially in that great chapter where he says: "in that way, we might forever have more useful things and more useless people". He realized that a time could come when all services for humanity would become commodities. I don't think it's possible that the problem of the degradation of today's world, - the threefold degradation of the modern world, which I'll explain in a second - can be solved unless politicians and ideologues recognize the way we have turned all treatments into commodities, often in the name of socialism.
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+Now, when I talk about the threefold pollution, threefold degradation in the world, I'm referring to the eventual elimination of resources, the degradation or devaluation of the commodities that we depend on and become slaves to, and social polarization. Let's stick with the example of school. Once I transform education or knowledge into schooling, there are automatically some people who for some reason will be chosen to receive more of it than others, and who will justify their economic, social, and political privilege by the fact that they have spiritually accumulated an immaterial commodity which they call "knowledge".
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+We need to understand that to have a technological world and not be ruled by experts, certain aspects of technology, made possible through technology, must be radically limited for the good of the people. Everyone in Peru would know how to repair their mechanical hearts, if they had mechanical hearts, and no one, not even the President or an ambulance, would be able drive faster than 15 kilometers an hour. Everyone in Peru or Mexico would be able learn how to do the blood analyses required to identify 90% of the diseases killing young people today - they could do itin a couple of weeks! - and how to administer the appropriate medication. But for that, we would have to eliminate the possibility of having, in a small country like Honduras, two cobalt bombscompeting with each other, which benefits only those who had already become knowledge consumers, that is, those who accumulated, absorbed an education available on the market - whether a Western or Eastern market - as a commodity.
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+**Domenach:**
+There's a question bothering me that I'll ask you: This social, economic ideal, who will define it and who will legislate it?
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+**Ivan:**
+Well, I'm talking about a maximum, probably related to a particular ideal. And I think that in a world where all things become scientifically possible, all speeds become possible, all ways to lengthen life become possible - the man who currently heads the United States space program quit last week to focus on producing immortality - everything is possible for certain people as long as the vast majority are prepared to become slaves to send a man to the moon. In such a world, it's absolutely necessary that legislation must focus on creating a ceiling, an outline of what we consider *enough* for ourselves in certain areas.
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+**Domenach:**
+Prometheus, the man of labor who revolted against the gods, is still present among us. But the other one, Epimetheus, we don't talk about him anymore. Do you think that he's still alive?
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+**Ivan:**
+He is the mythological figure forgotten in the West. The man that stayed with Pandora, who closed her amphora before hope could escape. He is the man who stayed with his fellow beings. And Epimetheus is the man who invented hope, who invented planning, the creation of the world *for* mankind. when he stayed with his fellows in this world. I think that our real problem today lies in regaining a deeply humanistic sense of hope in our fellow man, in this world, on this earth. Hope was alienated when it became the product of supernatural institutions that used rituals to produce hope in a different world. And so Camus was right to draw attention to that problem.
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+**Domenach:**
+But hope needs to be restored to us, correct? To our lives.
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+**Ivan:**
+To us, to us.
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+**Domenach:**
+To us, meaning through a kind of community, or as you call it, conviviality.
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+**Ivan:**
+Exactly.
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+**Domenach:**
+You mean a way of living together that's no longer about acquiring things.
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+**Ivan:**
+Yes, exactly. We need to recognize that institutional productivity reaches a certain point where it starts to smother us, prevent us from being open to conviviality. We reach a certain point where an entire culture can be so fixated on fulfilling human life through the consumption of goods and services that we become unable, as typical members of this culture, to have faith in the surprise that another person, though he's not a professional, not part of some institution, even with no special training, can take care of me, that I can learn from him. There must be a distinction between the hope that we regain and hope in the sense of, as we say in English, "expectation, rising expectation". We must relearn how to distinguish between openness to being surprised by another and the expectation, the hope that the institution will give us the product that we learned to plan for and to identify ahead of time. I think that rediscovering our ability to depend on each other, even in technological societies - which are in the worst condition of all societies, in the West and the East - is the greatest task of our time.
+
+Usually when people discuss the problems of the future - as we have, these past few days here - they try to make institutions more productive - to protect themselves from the evils that Pandora released - and to better distribute the product of these institutions. I think that the real task lies in inverting institutions.
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+**Domenach:**
+Yes. You know very well what people say about those ideas. People say that they're utopian.
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+**Ivan:**
+I don't know what the opposite of utopian is. It's usually considered, by most leaders of society, to be realism, or at least what they call realism. I'm talking about simplification, about inverting institutions, and about de-professionalizing. And all three seem to me to be unavoidable necessities if we want to survive. To me, therefore, they are realistic. When I talk about simplification, people often say, "Oh he's another one of those dreamers in the back-to-nature movement. A primitive!" I have nothing against being associated with the Neolithic Conservatives; I have nothing against the idea of being called a Neolithic Conservative.
+
+I'm referring to the need to simplify life if we want to have an earth that is good. Because those who are against simplification and for continuous progress - "progressus populorum" in medieval Latin, it means "people who go crazy" - say that we can never have what is "good and well" because "good" is always "more". I'm talking about inverting institutions. Rather than the institutions that we have, which are bottlenecks, funnels for giving knowledge to the child, I ask for institutions that give those who want to learn a world that is simple enough for them to be able to learn *from* life, instead of *about* life.
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+Walking throughout Latin America from Caracas to Santiago for many months I often had the chance to live in small villages, and I think that people know how to live healthily instead of needing doctors that produce health services for them so they can live on "Spaceship Earth", as ecologists and mechanics love to call it. In the end, I believe in de-professionalization. We were able to de-professionalize writing and reading. Why not de-professionalize almost all medicine as the Chinese do? We know that in accidents, people die most often because the people nearby at the time don't know what to do. I'm talking about re-personalizing values, exchanges and services on a level of competence that couldn't have been dreamed of before modern technology. I think the main condition to be able to make this politically feasible, would be majority agreements on certain basic elements, where we would decide that such-and-such speed is enough, such-and-such healthcare tool is enough. And if you wanted to have something, we would not Ñ as a society, at least Ñ produce more for you than what has been decided to be enough for everyone by community agreement.
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+Nowadays, and more and more since the French Revolution, we define the goal of democracy as reaching consensus on the minimum that everyone should have. I propose the inversion of this notion. The main goal of a healthy political system should be to establish the maximum that everyone can agree is enough for each person. I say this because the economy must change from an economy founded on circulation to an economy within a stable State that recognizes that the world is limited - the physical, material world isn't an infinite system - and which recognizes that true invention, poetry, imagination by definition are not commodities and are therefore unlimited.
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+To say it once again, if it's simpler, when people ask me if I'm a utopian, I say that I am for simplification, not for romanticism. I am for inverting the function of institutions and not against all institutions. And I am for the de-professionalization and the re-personalization of values, not against competence. All of us who live in a simple world, we know that people mold mud into things that are beautiful, fantastic, and extraordinarily complex.
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+Let me recite a poem that I just read in the plane on my way to Paris for this occasion. It's a Neolithic Aztec poem written by a Spaniard, using Spanish letters, but in Nahuatl. The poem says:
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+> "For just a fleeting moment, we are lent to each other."
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+Because it's directed towards a god.
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+> "We live because you draw us. We have color because you paint us. And we breathe because you sing us. But for just a fleeting moment, we are lent to each other."
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+And it continues.
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+> "Because we erase ourselves, like a drawing, even one made in obsidian. We lose our color, as even the quetzatl, the beautiful green bird, loses its color. And we lose our sound and our breath, as does even the water's song. For just a fleeting moment, we are lent to each other."
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+English translation by Clarke Mackey and Marty Kent (mkent@xplicitplayers.com) \ No newline at end of file